
Comment apprendre à vivre avec la diversité?
Six éditions, autour de 150 participants, 90% de retours positifs: tel est le premier bilan informel de la «Corpes» – formation «Communautés religieuses, pluralisme et enjeux de société» proposée à l’Université de Lausanne (UniL) depuis 2019. Des évaluations restent à réaliser sur le plan académique et de la part de la Direction des affaires religieuses (DAR) du canton de Vaud. Car, rappelons-le, ce sont des instances politiques (représentées par les conseillères d’Etat de l’époque Cesla Amarelle et Béatrice Métraux) qui avaient suscité sa création pour accompagner les communautés religieuses du canton dans leur demande de reconnaissance.
Dynamique de partage
Pierre Gisel, professeur honoraire de la Faculté de théologie et de sciences des religions, et Philippe Gonzalez, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des sciences sociales et politiques, avaient été missionnés. Ils ont conçu un programme permettant d’évaluer trois exigences fixées par la Loi vaudoise sur la reconnaissance des communautés religieuses et ses règlements d’application: savoir s’exprimer et argumenter en français, connaître les principaux droits fondamentaux suisses et identifier la diversité religieuse cantonale. Depuis l’origine, les 25 communautés participantes, issues de toutes les traditions, ont été nombreuses à postuler d’année en année et «la dynamique de partage et de rencontre initiée a été unique», souligne Pascal van Griethuysen, à la tête de la DAR.
Résoudre des dilemmes
Aux dires des anciens étudiants, c’est sur le dialogue entre communautés que la Corpes a opéré un réel tour de force. Chaque session aboutit en effet à une situation complexe, toujours issue de dilemmes réels, à résoudre par petits groupes mixtes. «Ce qui était intéressant, c’est que, quelles que soient les situations et les personnes, nous arrivions toujours à solutionner le cas en nous basant sur des valeurs et principes communs à toutes les communautés», explique Merve Gün, vice-présidente de l’Union vaudoise des associations musulmanes, qui a suivi la formation en 2020. C’était là la véritable visée de la Corpes.
«Notre ambition n’était pas juste d’initier les acteurs du religieux aux questions juridiques, institutionnelles ou à la diversité. On a voulu faire une vraie plongée dans les traditions et saisir les questions qui fâchent comme une réelle opportunité d’approfondissement», résume Pierre Gisel. Un pari risqué, mais réussi pour toute une série de raisons, dont l’encadrement par les deux enseignants expérimentés, qui n’ont «pas peur d’aller» sur le terrain du conflit, avance Pierre Gisel. «Philippe Gonzalez et Pierre Gisel apportent un vis-à-vis précieux. Les échanges avec eux ont été très constructifs. Ce temps pour résoudre des dilemmes, on ne l’a pas toujours au quotidien», pointe David Rossé, vice-président de la Fédération évangélique vaudoise, diplômé de la Corpes en 2021.
Souci: à la rentrée de septembre, les deux enseignants tournent la page, la formation, sous sa forme actuelle, prend fin – par manque aussi d’un nouveau vivier de participants. Qui pour reprendre le flambeau et comment? Pour le moment, aucune suite claire ne se dessine. «Nous avons vu que cette formation équipait particulièrement bien les participants, qu’elle offrait une pratique de l’échange, notamment interreligieux, que nous n’avions pas eu l’occasion de mobiliser jusqu’ici. Nous avons conscience de la richesse de cette formation et du potentiel qu’elle constitue, et réfléchissons aux manières de mettre en valeur ce potentiel», rassure Pascal van Griethuysen.