Derrière un simple rang de cardons ou d’artichauts se cache parfois toute une histoire. A Genève, ces légumes racontent celle de l’exil, de la résilience et d’un héritage. C’est ce que met en lumière une exposition visible dès le 6 juin à Carouge, mise sur pied par la Fondation VIA – Sur les pas des huguenots et des vaudois du Piémont. 

«A l’époque de la Réforme, alors que Calvin y prêchait, des milliers de protestants affluent à Genève, faisant doubler la population en peu de temps. L’accueil est chaleureux, mais les ressources sont limitées», explique l’ethnobotaniste Denise Gautier, de ProSpecieRara, la fondation suisse pour la diversité patrimoniale liée aux végétaux et aux animaux, partenaire du projet. Parmi les réfugiés huguenots se trouvaient des jardiniers et des agriculteurs expérimentés qui se sont vu attribuer les terres fertiles entre la Jonction et Plainpalais. Une véritable tradition maraîchère s’y est enracinée. Ces cultivateurs venus du sud de la France ont apporté des espèces de légumes inconnues jusque-là dans la région, tels le cardon, l’artichaut, la côte de bette – d’origine méditerranéenne –, mais aussi de nouvelles formes de haricots et de laitues. Ces plantes ont progressivement été intégrées à l’agriculture locale, donnant naissance à des variétés caractéristiques. Certaines ont disparu depuis, mais d’autres survivent grâce au travail de sauvegarde de structures comme ProSpecieRara. «Aujourd’hui encore, le gratin de cardons trône sur les tables genevoises à Noël», souligne Denise Gautier. Il bénéficie d’une AOC depuis 2003. 

A Carouge, cette exposition s’installe sur de grands panneaux, accompagnés de bacs de variétés anciennes de légumes huguenots, sur la place de l’Octroi. Un lieu symbolique puisque c’est là que l’ancienne ville sarde, alors catholique, a joué un rôle de passage vers la Genève réformée. Pour clôturer la manifestation, une collaboration est envisagée avec des restaurateurs en vue de créer un événement gastronomique pendant la Semaine du goût.