Dosithé Mangandu
Dosithé Mangandu pousse la porte de l’église méthodiste de Bienne, rue de la Plaenke. Ici, il est chez lui. La cinquantaine, allure posée, il s’excuse d’un léger retard, la faute à son fils. L’homme est pasteur, marié, père de deux enfants en âge d’étudier. Sa femme à la voix chaude et vibrante chante lors des offices avec les jeunes. La foi et la famille sont ses piliers.
Natif du Congo, fils d’un enseignant formé dans les écoles normales coloniales, Dosithé Mangandu a traversé l’épreuve de l’exil. Son destin, il le voyait universitaire, mais l’Histoire– celle d’un Congo secoué par les soubresauts du pouvoir, les régimes autoritaires et la guerre – l’a forcé à bifurquer. Il n’a pas choisi la Suisse, mais la Suisse l’a accueilli. Et lui, en retour, s’est donné aux autres.
Son parcours est fait d’engagements. Son ministère a commencé en 1995 au sein d’une église de Kinshasa. D’abord reconnu pour ses dons, il est formé, encadré, poussé à la responsabilité. En Suisse, il retrouve ses compatriotes, les guide, les soutient. Une petite communauté se réunit dans son modeste appartement. Mais elle est bientôt à l’étroit, et il trouve un lieu plus grand: l’église méthodiste de Bienne, où il officie désormais depuis vingt ans. Chaque dimanche, ils sont plusieurs dizaines à prier, chanter et à se retrouver dans cette langue familière, le français. Son rôle ne s’arrête pas à sa mission pastorale. Il regarde par-delà les murs de son temple, embrasse l’histoire de son pays,ses plaies, ses silences. «Le Congo, riche en tout, pauvre pour tous», résume-t-il. L’exil l’a rendu plus conscient. Il refuse la fatalité. En 2007, il fonde une association culturelle pour transmettre aux enfants nés ici les racines de leur pays d’origine, un vaste territoire aux 26 provinces et 450 langues, héritage qu’il refuse de voir disparaître.
En juin dernier, Dosithé Mangandu franchit une nouvelle étape: la politique. Il fonde «Un Congo uni, fort et prospère», parti qu’il veut hors des logiques de clan et de l’héritage colonial. Officiellement enregistré, le mouvement s’implante sur tout le territoire congolais avec une promesse: rétablir «la justiceet l’équité». Pour lui, la politique n’est pas une simple quête de pouvoir, mais un engagement total, presque spirituel. Une mission héritée de son père, qui lui a appris à décrypter les rouages d’un système gangréné par«l’injustice et le vice».
Dosithé Mangandu veut incarner une autre possibilité,notamment pour une jeunesse en exil ou désabusée.«Un peuple sans vision marche dans tous les sens», martèle-t-il. Son ambition: rassembler et redonner espoir à une génération qui cherche encore ses figures.
Le pasteur biennois ne se contente pas de prêcher. Dans la rue comme dans les débats, il veut peser, faire entendre une voix qui dérange. «Etre une voix qui compte, qui porte», assène-t-il. Son combat: dénoncer la collusion entre politiques et multinationales, qui profitent du sous-sol congolais pendant que la population, elle, reste privée d’écoles et d’hôpitaux. «Le Congo est pillé à ciel ouvert et tout le monde ferme les yeux»,déplore-t-il.
Par là, il vise directement ces élites congolaises qui, en échange de «pots-de-vin», ouvrent la porte aux grands groupes étrangers. Rien de nouveau, mais un dépouillement qui prend de l’ampleur avec l’explosion des besoins en coltan et en cobalt, ces minerais indispensables aux nouvelles technologies et dont le Congo détient l’une des plus grandes réserves mondiales.
Pour une prise de consciencecollective et des mesures concrètes
Dosithé Mangandu ne se contente pas de dénoncer. Il organise des manifestations, notamment en Suisse, où certaines des entreprises impliquées sont solidement implantées. Pour lui, il y a urgence, il faut «une prise de conscience collective et des mesures concrètes pour que les richesses du pays profitent enfin à ceux qui y vivent et non aux seuls intérêts étrangers».
Entre sa charge pastorale et ses ambitions politiques, le temps lui manque,mais la motivation ne faiblit pas. Chaque soir, il répond aux messages de ses compatriotes, en Suisse et au Congo. Il écoute, conseille, encourage. Il écrit des livres aussi. «Si nous n’avons rien reçu de nos pères, nous avons le devoir de léguer un avenir à nos enfants.» Pour lui, chaque Congolais a un rôle à jouer et il entend bien être un acteur clé.
En six dates
1973 Naissance à Kinshasa (RDC).
2000 Exil en Suisse.
2014 CFC en cuisine.
2015-2016 Formation théologique, Centre méthodiste de formation théologique (CMFT) et explorations théologiques, Église réformée.
2015 Consécration pastorale à la Communauté chrétienne Reste de Victoire, affiliée à l’Association Etre Église(s) Ensemble.
2024 Fondation du parti politique «Un Congo uni, fort et prospère», Kinshasa
Réflexions engagées
Dosithé Mangandu explore des enjeux politiques, sociaux et culturels avec un regard critique et engagé dans différents ouvrages. Il analyse les divisions en RDC dans La cohésion nationale passe par la conscience collective, propose des réformes pour le pays dans La Refondation du système étatique de la RDC, interroge les stéréotypes de genre dans La place de la femme est-elle dans la cuisine? et recueille des témoignages de migrants en Suisse dans un ouvrage en cours d’écriture.