Dieu ne vient pas punir,mais créer de la vie

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[pas de légende]

Dieu ne vient pas punir,mais créer de la vie

Faire l'impasse
Contrairement à une opinion courante, le pardon n’est pas un thème central de l’Evangile. La prédication de Jésus appelle à créer la vie, plutôt qu’à stigmatiser la faute. Assuré d’un pardon immérité, chacun, chacune doit à son tour créer du lien.

"On dit volontiers que le christianisme est une religion du pardon. En réalité, si l’on consulte le Nouveau Testament, il n’est pas la question centrale. Et, par ailleurs, on fait fréquemment une lecture tout à fait rétrécie de ce qu’est le pardon. On le perçoit comme la libération d’un manquement éthique individuel. Ce faisant, on perd de vue le contexte de cette thématique: le pardon s’inscrit dans la perspective d’une relation perturbée ou rompue», prévient Jean Zumstein. 
Le bibliste a travaillé la question dans les paroles attribuées à Jésus, dans les écrits de Paul et dans les textes de Jean. «Il est important d’inscrire le pardon dans ce contexte relationnel, en prenant en compte une double relation: d’une part à Dieu, d’autre part avec son prochain. Si l’on oublie ce contexte global, on risque de passer à côté de l’essentiel: l’annonce d’un Dieu qui ne vient pas pour punir, mais pour créer de l’amour et de la vie.»

Créativité positive de Dieu

«Chez Paul, cela s’exprime par le thème de la justice de Dieu. Elle ne consiste pas à punir les fautifs et à récompenser les justes, mais à déclarer juste le pécheur. Et dans l’Evangile de Jean, cela s’exprime par la thématique de la vie que le Christ vient donner», enchaîne le chercheur. «La thématique du pardon s’inscrit fondamentalement dans cette créativité positive de Dieu qui recrée du lien et de la relation là où elle était perturbée ou rompue.»
«La personne concernée opère une relecture de son passé, marqué par toutes sortes de perturbations dans sa relation avec Dieu», selon Jean Zumstein. Une relecture qui offre une nouvelle possibilitéd’aborder l’avenir. «Chacun a un passé, qui peut être aliénant. Au fur et à mesure que se développe ma vie, je suis conditionné par tous les actes que j’ai accomplis, par les paroles que j’ai pu dire. D’une certaine façon, le passé m’emprisonne. La Bonne Nouvelle de l’Evangile me permet de le relire non pas comme un passé qui m’accable, mais comme un passé qui m’est pardonné», détaille le ministre
 

Invitation à créer la vie
Cette lecture n’oublie-t-elle pas le très humain besoin de justice? «La notion de justice repose sur le principe d’une loi, les Dix Commandements pour faire simple. Mais la prédication de Jésus, notamment dans le Sermon sur la montagne, est un appel à aller au-delà de cette exigence éthique. L’amour de l’ennemi, par exemple, semble être une exigence insensée. Cependant, dans le régime de la folie évangélique, parce que je me sais moi-même au bénéfice d’un pardon totalement immérité, je suis engagé à poser des actes qui recréent la vie, là où elle semble impossible.» Un exemple: «Juste après la Seconde Guerre mondiale, le pasteur Karl Barth, qui avait été destitué par le régime nazi, aurait été en droit de demander réparation. Mais son premier geste a été de dire que maintenant, le devoir, c’était la réconciliation.»
En raison de sa théologie qui voit le pardon comme un appel à créer du vivant, l’ancien professeur regrette qu’il ne soit trop souvent associé qu’à la mort de Jésus comme expiation des péchés. «C’est un langage qui était compris par les premiers auditeurs de la prédication chrétienne, qui savaient ce qu’étaient un temple et un sacrifice et en comprenaient la symbolique». Ce n’est plus le cas aujourd’hui. «Relier le péché à l’expiation me semble une perspective très étroite qui ne rend pas compte de ce que l’on trouve au centre du Nouveau Testament: libération et vie en plénitude.»

Pour aller plus loin

Jean Zumstein recommande:
Le Pardon originel. De l’abîme du mal au pouvoir de pardonner, Lytta Basset, Labor et Fides, 1994.
Pardonner, Jean Lambert, Françoise Smyth-Florentin, Philibert Secrétan, Jean Zumstein, Joseph Moingt, 1994.
Le Bouc émissaire, René Girard, Grasset, 1982.
Sur les traces de Jésus, Jean Zumstein, Labor et Fides, 2021.